Les treks en famille en autonomie de Clémence, Inès et Vincent – Une vie d’aventure

Clémence a 37 ans, et elle a 2 jeunes enfants, Inès de 9 ans et Vincent de 7 ans. Ensemble ils ont l’habitude de randonner et faire des treks en famille d’une dizaine de jours en autonomie. Cet été en juillet 2020, ils sont partis 8 jours faire la traversée du sud du massif de Belledonne en Isère entre Roche-Beranger (Chamrousse) aux lacs des 7 Laux/Rivier d’Allemont, en passant par la Croix de Belledonne et le Pic de la Belle Etoile. Nous avons voulu en savoir plus, Clémence s’est fait un plaisir de nous raconter son aventure afin de te la partager.  Nous avons découvert l’aventure d’une vie. Inspirant…

Présentation de Clémence

Je pratique la randonnée depuis ma tendre enfance. Nous allions avec mes frères, parents, cousins-cousines dix jours dans l’été, en alternance dans les Pyrénées et dans les Alpes. Nous étions posés en camping et randonnions en étoile. Je suis allée plus loin avec mes propres enfants mais cette base solide d’habitude de rando en montagne et de vie en tente m’a permis de pousser l’aventure plus loin. J’ai passé aussi ma petite enfance dans les Monts du Lyonnais, dans un petit village. C’est important aussi pour la vie simple et la connexion à la nature.L a montagne fait donc partie de moi depuis longtemps. 
A 22 ans, alors que nous vivions désormais en région bordelaise, je suis partie à Grenoble, pour un master de Géo spécialité montagne mais aussi pour la montagne tout court. Et à 25 ans, je me suis rendue compte que la montagne était même un pilier de mon bien-être, de mon équilibre. Que ce soit en y marchant, grimpant, skiant, j’ai besoin d’y être souvent. A part un court séjour parisien pour le boulot (je suis cartographe), je ne l’ai plus jamais quittée. En 2016, après 12 ans à Grenoble et quelques mois à Paris, je déménage avec les loulous à Bourg d’Oisans, après ma séparation d’avec leur père.
Puis, en octobre dernier, nous nous sommes installés à Oulles en Oisans, un petit hameau de 13 habitants à l’année, à 1400 m d’altitude. J’y ai construit notre nid : une yourte contemporaine, répondant parfaitement à mes aspirations d’une vie modeste et naturelle, pour avoir le plus précieux au monde : du temps avec mes enfants. J’ai changé aussi de métier et deviens saisonnière (je bosse l’hiver à la station de l’Alpe d’Huez). Reste à trouver un petit complément pour le reste de l’année.

Les randos en famille et les premiers bivouacs

J’ai randonné jusqu’à être enceinte de 6 mois de ma fille aînée. Quand elle a eu 3 semaines, en porte-bébé physiologique, je suis repartie sur les sentiers. Couches lavables changées sur un tapis de mousse et allaitement, tout simplement. Mon mari à l’époque ne venait jamais avec moi. Je partais seule ou avec des amis. Quand mon fils est arrivé, il est allé à son tour dans le porte-bébé, j’avais mon sac devant et ma fille sur mes épaules quand elle en avait marre. Je passais déjà pour une nana un peu spéciale à l’époque ^^
Quand Vincent a eu 2 ans, j’ai eu envie d’essayer le bivouac. Ma fille de 4 ans marchait toute la rando. Et lui en grande partie. Donc j’ai pris un gros sac-à-dos et le porte-bébé physio pour le mettre dedans devant si jamais. Nous sommes allés à l’Alpe d’Huez, faire le tour des Lacs. Super facile pour me rassurerCe fut le déclic. Un pur bonheur. Mon fils n’a plus jamais voulu marcher autrement qu’en passant la nuit là-haut. Cette année-là, nous avons fait trois bivouacs de 2 jours. Le 3e était au-dessus de col du Glandon. C’était long et je me souviens les avoir portés chacun en alternance pour finir. Mais la magie opérait, un truc dingue se créait entre nous 😛Avec ma chérie de l’époque, nous avons fait en 2016 3 jours autour de Chamrousse. Je me suis dit : si je règle le pb de l’eau, je peux le faire seule!

Les premiers treks

Premier trek de 10 jours dans le Queyras en 2017

Quand Vincent a eu 4 ans et Inès 6, c’était donc l’été 2017, j’ai créé une boucle de 10j dans le Queyras. Autour du Viso, avec une acclimatation et 500 m de déniv max par jour. Deux repas en refuge et deux petits-dejs. Plus des piques-niques achetés au refuge. A cette époque, j’avais une tente de 3kgs et 4l d’eau (pour faire 2j). Je portais bien 25kgs. J’ai fait peur à des grands costauds, mais nous avons réussi. Je nous avais fait confiance, connaissant parfaitement les capacités de mes enfants et ma motivation. Ce fut incroyable. Chaque soir une marmotte au bivouac, une entente folle entre les deux enfants, une aventure familiale fantastique… Je sus que tous les mois de juillet, nous repartirions. Nous avons fait des pics de 3000m, évoluant entre 2300m et 3000m, dans un univers minéral fantastiqueRedescendre à 2000 à la limite des arbres ne nous plaisait pas ^^

TOPO: La boucle a démarré au P de la Roche Ecroulée, à la toute fin de la route de Ristolas. Direction le col de Vallante, sur la frontière, par le refuge du Mont Viso où nous nous sommes acclimatés un après-midi (pour éviter le MAM, qui peut apparaître des 2000 m chez les enfants. Ensuite, descente de la vallée de Soustra en Italie, lac Bleu et retour en France avec le refuge de la Blanche (pour souper), refuge Agnès (pour de l’eau et un jus d’orange ;), notre 1er 3000 (le pic de Caramantran) et vallée du Foréant pour finir la boucle. Je joins le tracé sur une carte topo au 1/60 000 (j’utilise bien-sûr les bleues au 1/10 000 en rando). 

Deuxième trek de 12 jours entre le Queyras et l’Ubaye en 2018

La 2e année (Vincent 5 ans et Inès 7 ans),  nous sommes partis 12j, associant une boucle de l’Aiguille de Chambeyron et du tour de la Fonte Sancte avec 600m de dénivelé max par jour. Donc entre Queyras et Ubaye. J’ai fait un détour pour poser un ravito dans un refuge et puis nous avons démarré la boucle. 12j ça fait beaucoup, je me suis dit que je resterais à 10j les autres années.
TOPO: Départ du Val d’Escreins (le soir, pour dormir à la super cabane des Chalances sur le GR58, puis pas de la Souvagea pour retrouver le refuge du Chambeyron (attention ce vallon raccourci est sec et assez instable concernant le pierrier). Ensuite, un sommet : la tête de la Fréma et petit tour en Italie avec le colle d’el Infernetto, retour en France avec les lacs de Marinet, Sainte Anne, le Pic d’Escreins et descente sur le Parking. Nous avons fait une journée pause totale et j’avais posé un petit carton de ravitaille.

Troisième trek de 9 jours dans le Mercantour en 2019

L’an dernier (Vincent 6 ans et Inès 8 ans), nous sommes allés dans le Mercantour. Notre parcours a été un peu modifié pour cause d’un passage verglassé et d’un temps pourri nous cantonnant une journée dans un refuge pris dans une tempête de neige. Mais c’était magique aussi. Nous avons rencontré deux belges qui ont marché un peu avec nous. Nous avons fait 700m de dénivelé max par jour (on augmente chaque année un peu plus!).

TOPO: Voici les étapes dans le Mercantour (vallée de la Tinée): Le Pra – Salso Moreno – Lac du Lausanier – Lac de l’Enchastraye – Tête de l’Enchastraye – Col de Pouriac – Pas de Morgon – Refuge de Vens – Là le tracé change parce que nous avions prévu de passer ensuite par la brèche Borgonio et de faire le Mont Ténibre, pour descendre ensuite sur le refuge de Rabuons. La montée au Ténibre était englacée et la météo du lendemain mauvaise pour le passage de la brêche. J’ai donc renoncé à cette option. Et nous avons tous été refugiés au Vens le lendemain sous la tempête de neige… On nous a gentiment hébergés. Le vent soufflait si fort qu’il a cassé les arceaux d’une tente voisine et aurait fait s’envoler la mienne si je l’avais laissée. J7, nous repartons donc tous sagement sous un grand soleil. Nous prenons donc le chemin de l’électricité, prévu au retour. Cela donne donc : Refuge de Vens – Refuge de Rabuons (où nous avons soupé aussi, la tente plantée à côté) – Plan du Ténibre – Le Pra.

Année 2020: un trek de 8 jours dans le massif de Belledonne

Cette année, les enfants ont 7 and (Vincent) et 9 ans (Inès), nous avons eu le temps de découvrir nos montagnes ^^ Mes enfants n’ont pas repris l’école depuis mars. Et ma fille étant à risque Covid, seule la montagne était notre échappatoire. J’ai voulu faire cette traversée de Belledonne en juin et un autre trek en juillet. Mais la météo en a décidé autrement. Gros orages puis neige abondante dès 2000m. Finalement, nous avons retrouvé nos dates habituelles ^^ Nous n’avons marché que 8j mais c’était intense et magique quand même 🙂
L’anecdote : marchant beaucoup pieds-nus chez nous et étant très habitués à la marche en montagne, nous avons laissé nos « grosses » et opté cette année pour des sandales à bout fermé, en chaussettes. Malgré mes chevilles fragiles et mes 20kgs, ce fut génial. Quelles sensations et légèretéMon fils n’avait plus les pieds trempés de sueur chaque soir et l’inconvénient de la neige qui mouille un peu les chaussettes n’est pas gênant du tout.

TOPO: Donc, cette année, nous avons garé notre fourgon à l’arrivée (le Rivier d’Allemont) et une amie nous a emmené au départ : le parking de Bachat-Bouloud, à Chamrousse. Les étapes : Lacs Roberts – Refuge de la Pra (où nous avons soupé) – Lac du Grand Doménon – La Croix de Belledonne – Lac Blanc – Col de la Mine de fer – Brêche de Roche fendue – Pas de la Coche – Col de la Vache – (presque) Pic de la Belle Etoile (il y avait un temps pourri : brouillard et vent alors j’ai renoncé à poursuivre la traversée d’arête) – Lac du Cos (Sept Laux) – descente au Rivier d’Allemont Nous avons mis 8j, avec les trois premiers jours tranquilles et une étape courte entre 2×2 grosses journées. 800 m de déniv max en cumulé à la journée.
En 2019, c’était 700, en 2018 600 et en 2017 500. Petit-à petit, j’augmente 😉

Le matériel

Niveau matos, je porte nos 3 sacs de couchage. Les enfants ont un -5 (extrême -12) de chez Husky, une marque polonaise. Ils pèsent chacun 1,5 kgs et prennent de la place mais ils sont très bons et comprennent une extension à ajouter quand l’enfant grandit. 70€ le sac, c’est vraiment rentabilisé. Moi j’avais un gros 0°. L’an dernier, j’ai pris un petit en plume de chez décat. Et un nouveau sac ! Un très bon Osprey qui me fait ressentir les 20kgs avec bien plus de légèreté ^^ J’ai fait les plans d’une tente simple toit en toile de parapente, grâce au site Randonner léger. Puis, en deux jours, avec ma mère qui est une très bonne couturière, nous l’avons faite, cette tente verte génialissime. 600g, sardines et tapis de sol étanche compris. 200€ un poids imbattable au lieu de deux fois plus pour 2kgs en commerce 😛
Pour l’eau, j’ai adopté les pastilles éconazole (tout petit tube de 100 mini-comprimés, pour 10 € en pharmacie). Je suis passée à 2,5 l d’eau. Puis l’an dernier, j’ai acheté un filtre MSR. Je choisis l’un des deux (parfois les deux, si eau de lac douteuse) selon la circonstance.🙂
J’ai deux tee-shirts super légers, un short, deux paires de chaussettes, deux culottes, une polaire, une doudoune, un coupe-vent. Pour la nuit : un caleçon, des chaussettes chaudes, un haut technique manches longues, un bonnet. Les enfants ont pareil dans leur sac. Je fais deux petites lessives pendant le trek.
Ils portent aussi leurs doudous, leurs en-cas et un peu d’eau depuis cette année (bon ça ça n’a pas duré, pour l’eau, ma fille a perdu son bidon sur le glacier de Freydane et j’ai allégé mon fils en prenant son bidon). Ils ont aussi un carnet et des aquarelles.
J’ai un brin de corde de 15m pour les encorder si jamais (j m’en suis servie cette année sur une traversée un peu scabreuse), une longe, un mousqueton et une dégaine (si besoin d’une main courante mais pas utilisé cette année).
Nous avons aussi bien-sur, lunettes, casquettes et bâtons.

Les repas

Pour les repas : Petit-dej, du muesli pour moi, des brioches, biscottes et un petit pot en plastique rempli de pâte à tartiner pour eux 🙂. Le midi : de quoi faire un pic-nique léger. Le soir, deux soupes (Royco), une pour moi , une pour eux et une portion de lyophylisé (nous mangeons peu en trek). Je mets tout dans des sachets moins encombrants et note les jours et le menu dessus pour m’y retrouver ^^

Préparation des treks

Pour préparer un trek, je réfléchis au massif qui m’intéresse, sors mes cartes ou m’en procure (je suis géographe de formation et cartographe de métier, donc je sais bien lire les cartes 😛). Et je scrute les GR, les sentiers, les pics, les cols. J’essaie de trouver un circuit en boucle. Cette année fut une exception. Je vérifie les déniv cumulés, repère les zones de bivouac et peu à peu se crée le circuit. Avec un jour de battement pour pause ou mauvais temps.
Les enfants ont fait 800m de déniv max cette année. Cela me suffisait aussi avec mon barda ^^
Je prend plusieurs jous pour tout planifier minutieusement, caler les dates, réserver notre passage en refuge (pour le repas). Et tout ranger dans le sac ^^ Mais avec le temps, ça va de plus en plus vite. Cette année, cela m’a pris 3j.

Motivation des enfants

Les enfants sont motivés de base. Par l’aspect surtout d’une aventure à trois je pense. Je suis complètement avec eux, même si je gère la sécurité et le tracé, ainsi que ma propre fatigue. Je les soutiens, leur apprend des choses (nous sommes passés par exemple dans des cirques glaciaires cette année), les fais lire de mieux en mieux les cartes, déchiffrer les sentiers. Nous jouons aussi aux cartes dans les temps off à l’abri de la tente et partageons une passion pour l’aquarelle. C’est un temps de fusion totale.
Ma fille a commencé à râler cette année, mais étant dingue de faune, de flore et rêve de rencontrer un loup., j’ai de quoi la motiver encore 😛 Mon fils est dans son élément total aussi (il veut être moniteur de snow) et caracolait devant.

Les meilleurs souvenirs

Nos meilleurs souvenirs sont… tout ^^

Les coups durs

Des moments moins bien : les pauses froides, où les nuages ou le brouillard nous frigorifiaient un peu trop vite (j’ai fini le trek en gardant mon caleçon sous le short du coup ^^). Nous avons eu pas mal de ça cette année mais une fois remis en route ou sous la tente, ça allait bien 🙂 Les enfants n’ont pas pu voir les lacs des 7 Laux cachés dans le brouillard, il faudra y retourner, ha ha

Un conseil pour les nouveaux trekkeurs en famille

Mon conseil pour des nouveaux trekkeurs en famille : être motivé et à l’aise, choisir petit (2-3j, petit déniv adapté aux enfants). Et oser ! C’est tellement fantastique !